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Daoud Aoulad-Syad   داوود  أولاد  السيد

Sanary-sur-Mer, nouveau port d'attache de la photo

Texte de Natacha Wolinski

 

Le Sud aime la photographie. La photographie sied au Sud. Tandis que s’achève la quatrième édition de l’impeccable festival « Images singulières » à Sète, démarre la seconde édition de Photomed à Sanary-sur-Mer. Les deux villes se ressemblent, avec leur port à gros rendement, leurs chapelles, leurs camions à pizza et leurs caves à vin. Toutes deux ont misé essentiellement sur la photographie contemporaine, et sur des expositions en accès libre, avec une spécificité pour Sanary qui privilégie la thématique méditerranéenne. Le cru 2012, placé, comme l’an passé, sous la direction artistique de Jean-Luc Monterosso, le directeur de la Maison européenne de la photographie à Paris, confirme la haute ambition de la manifestation. La quinzaine d’expositions présentées en divers lieux de la ville, ainsi qu’à Bandol, Toulon et sur l’île de Bendor, offre un parcours sans faute, en dehors d’une rétrospective décevante de Joël Meyerowitz. Ses récentes images cartes postales de la Provence frisent les chromos de calendrier des Postes et ses icônes plus anciennes pâtissent d’une impression jet d’encre sur papier mat qui absorbe dramatiquement les couleurs et annihile les contrastes.


Hormis cette déception, la sélection regorge de bonnes surprises. À commencer par l’ébouriffante exposition consacrée au Marocain Daoud Aoulad-Syad que l’on connaissait sous la casquette de réalisateur de cinéma (le seul d’avant-garde au Maroc) mais dont on découvre aujourd’hui l’œil photographique pénétrant, sensible et formellement irréprochable. Ses portraits en noir et blanc de musiciens et d’ouvriers aux visages burinés rappellent par leur cadrage à mi-corps et leur dispositif sur fond blanc la manière d’Avedon. Mais Daoud Aoulad-Syad a une façon bien à lui d’envisager et de dévisager l’humain, moins abrupte que celle du maître américain. Autre révélation, dans un tout autre registre, les photos de Nermine Hammam, qui revient à sa façon sur les violences et les espoirs de la place Tahrir. Cette jeune plasticienne égyptienne reprend les photos les plus insoutenables de la révolution arabe, miniaturise les silhouettes de soldats frappant des civils et les incruste dans des estampes japonaises - elle force ainsi le regardeur à retrouver la violence cachée sous les décors méditatifs.


À ces découvertes s’ajoute un bouquet de valeur sûres que l’on retrouve avec plaisir : accrochages irréprochables de Gérard Rondeau, de Bernard Faucon, de Bernard Plossu, de Martine Voyeux... Massimo Vitali sonne le temps de vacances avec ses grands formats de paradis insulaires. Le grand Joan Fontcuberta reconduit sa réjouissante fantaisie avec une série spécialement conçue pour le festival. Dans le charmant musée de la plongée sous-marine de Sanary (ville où est né le commandant Cousteau), l’artiste espagnol refait la théorie de l’évolution en exhumant, le long des côtes, le fossile d’une sirène mis à jour au cours de fouilles subaquatiques. Aux visiteurs incrédules, Jean-Luc Monterosso assurait lors du vernissage de l’exposition qu’il s’agissait là d’« un "scoop" sans précédent dont le festival Photomed avait su s’assurer la primeur ». Nous abondons dans son sens.

 

 

Texte de Natacha Wolinksi dans Le Quotidien de L'art / numéro 158 / mercredi 30 mai 2012

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