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Daoud Aoulad-Syad   داوود  أولاد  السيد

La machine à filmer le temps

Texte d'Ahmed Bouanani

 

Mais c'est une machine humaine, terriblement humaine, implacable, qu'on serait tenté de la comparer à un rêve difficile à surprendre.

 

Ce rêve n'a pas d'âge et son enfance a la peau dure car chaque fois que Daoud filme le présent, l'œil de l'enfant se substitue aux objectifs de l'adulte. Le pêcheur, le conteur, les gosses de la rue, évoluent à la fois dans le présent immédiat et dans un passé oublié.

 

Daoud est photographe de la mémoire. Et cette mémoire vit à la cadence du temps présent et d'un temps devenu invisible mais qui bat dans notre sang. C'est pourquoi il gêne.

 

Il gêne tous ceux qui ne veulent plus de mémoire, plus d'enfance.

 

Son quotidien est celui des humbles, l'artifice y est inexistant.

 

Sa magie? Quand il photographie une mère, elle devient toutes les mères, le pêcheur ou le potier deviennent tous les pêcheurs ou tous les potiers, tous les hommes aux visages multiples en lutte contre un océan ingrat ou une terre mouvante qu'on façonne par le feu et par le geste.

 

Les images de Daoud portent en elles toutes les couleurs et les couleurs de l'enfance.

 

N'y voit du folklore que l'aveugle.

 

Une seule image est un poème, un poème sans mots, plein de silence où je perçois des chants, des rires, des anecdotes.

Ses saltimbanques sont tragiques, ses travestis émouvants et généreux, ses spectacles de jemaâ el fna, des ruelles de la médina ou d'une foire populaire sont autant de vies cambriolées sur l'instant, un instant d'une telle épaisseur qu'on ne sait pas s'il s'agit du passé ou d'un présent en perpétuel devenir.

 

Le regard de Daoud s'ouvre sur plusieurs dimensions. La puissance de son image vient d'un détail, d'un geste, d'une expression, d'une attitude. Il n'est jamais à la recherche de la poésie, il n'a pas besoin de l'attendre, de la guetter. Son instinct est toujours en éveil. Son amour pour l'art de la photographie nous ouvre les frontières d'un imaginaire imperceptible. Le quotidien qu'il nous livre est toujours en mouvement. Il suffit la plupart du temps d'un battement de cil pour qu'il se dérobe à notre attention.

 

Heureusement, Daoud est parmi nous, avec nous.

 

 

Ahmed Bouanani, La machine à filmer le temps

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