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Daoud Aoulad-Syad   داوود  أولاد  السيد

Territoires de l'Instant

Djemaâ El Fna

Daoud Aoulad-Syad

 

J'ai grandi dans le quartier Arset Moussa, qui était un bordel à l'époque du protectorat. les Français l'avaient choisi à cause de son emplacement stratégique : il se situait à cinq minutes de la place Djemaâ el Fna. Avant on habitait à Elkasba, où je suis né. Notre voisine Simone était juive, c'était une grosse femme. Elle avait une grosse poitrine.
La veille de la rentrée scolaire, je n'ai pas dormi. Ma mère m'a acheté des habits neufs, un costume vert avec une petite cravate. Le lendemain matin, mon oncle Si Mahjoub, ma mère et mes deux grandes soeurs m'ont amené à l'école pour m'inscrire. Arrivant devant l'école Kannaria, on a trouvé beaucoup de monde, des gens avaient même passé la nuit là. Si Mahjoub a alors demandé à ma mère son foulard, l'a mis autour de ma jambe, m'a soulevé, m'a mis sur ses épaules et a commencé à crier : "laissez passer ce petit garçon handicapé!". Ainsi je me suis retrouvé inscrit à ma première école.

On apprenait l'arabe et le français en même temps. Notre professeur d'arabe nous expliquait tout par la poésie et le Coran. Celui de Français, à la fin de la semaine, nous donnait des tickets de cinéma, mais seulement pour les bons élèves.

Pour rentrer à la maison, je traversais quatre fois la place Djemaâ El Fna. C'était notre territoire par excellence. On connaissait toutes les halquas, on participait à tous les jeux. Notre halqua préférée, c'était celle de Brahim, celle de la boxe. Dès qu'on arrivait, Brahim nous mettait des gants, on faisait quelques tours d'échauffement, on se présentait au public, nom, prénom et adresse, et puis on boxait.
Un jour, le cirque Amar est arrivé place Djemaâ El Fna. Ce qui m'intéressait le plus, c'était la fête foraine tout autour du cirque. Je m'y attardais avec mes copains pour admirer le danseur. De retour chez moi, je m'enfermais dans une chambre, et commençais à danser et à l'imiter devnt une glace. Un dimanche, j'étais allé le voir très tôt. Le danseur m'a aperçu en train de l'imiter et m'a demandé de monter sur les planches pour danser à côté de lui. J'étais heureux Je suis monté, tout le monde à commencer à applaudir. En descendant, le patron m'a donné un dirham, et m'a demandé de revenir le dimanche suivant. Le dimanche d'après le cirque était parti. Ce soir là, j'ai beaucoup pleuré. J'espérais devenir le danseur étoile du cirque Amar.

 

Daoud Aoulad-Syad, Djemaâ El Fna, in Territoires de l'instant

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